Monday, October 1, 2018

Petite virée aquatique en motocyclette à travers le Maroc (10-30 septembre 2018)



Fitou - 10 septembre

Dans l’arrière pays, les viticulteurs vendangent. Des tapineuses au regard triste pêchent le routier sur les berges de la nationale.
Sur le devant de la scène, les pharmaciens moissonnent.

Barcelone, terminal des ferries - 11 septembre

Le mastodonte s’apprête à engloutir sa ration de véhicules surchargés. À la bourse de l’exportation, vélos pour enfants et lavabos doubles en inox tiennent le haut du panier.

Nador - 12 septembre

La douane. Si t’allumes pas la mèche, y’a pas de pétard avec les chaussettes à clous.
Marcher 100 mètres. Petit pétard de bienvenue offert par un papy loquace.

Col xxx, sud de Taza - 13 septembre

Première gamelle. Première nuit sous l’orage. Tu peux te plaindre ne n’avoir pas pris de tente (ni de veste de pluie, d’ailleurs…) Tu peux aussi ressortir les vieux réflexes: creuser des rigoles, amonceler des pierres, tendre la tarp et te féliciter d’avoir paqueté une bâche supplémentaire.
Assieds-toi trempé sous la bâche, médite. Déroule le sac de couchage quand ça se calme.
Et apprécie ta nuit dehors.
Réveil féerique dans un paysage lunaire.
Vanité, peut-être, d’avoir dressé le camp sur col. Mais bonheur de se retrouver au milieu des éléments.

La Tarp, efficace par petite pluie

Sefrou - 14 septembre

De la fluidité de voyager seul. Quelques rencontres, loin des clichés.
Et d’une expérience sur la confiance qui tourne finalement assez bien.
L’orage passe. La route du Sud te tend les bras.

OK, ça ne suit pas la doctrine de l'autonomie Fram! mais c'est chouette quand même

Midelt - 15 septembre

Deux loups blancs.
Tajine quotidien sur une terrasse locale. Rachid, bazariste, vient causer:
- tu vas où ?
- Tatiouine.
- Pourquoi ? Il n’y a rien à faire, là-bas.
- Je vais dire bonjour à la famille d’un ami.
- C’est Moha?
- Oui !?!?!?
- Tu le connais d’où, Moha?
- El Jadida
- De Pierre? Il est passé par ici il y a quelques temps.
- ?!?!?! (NB : Pierre, c’est mon oncle qui vit à El Jadida)

Dans le Haut Atlas

Tatiouine - 15 septembre

Petite piste sympathique dans la montagne et traversée de rivière optimiste. Il faut un début à tout.
Super accueil par Assou, le frère de Moha. Soirée simple et très chouette.
Petit cours d’ameublement minimaliste.

Boîtes mystérieuses

Midelt - 16 septembre

Descente de Tatiouine. Je prends Youssef en stop. Il est l’instituteur résident au village. Discussion Voltaire/Harari en essayant d’éviter les bourbiers.
Café.
Je croyais que le gouvernement envoyait de profs évangéliser les rebelles des montagnes. C’est raté.
Youssef est berbère et fier d’enseigner.
Et transmets passionnément ses points de vue sur la politique et la religion.
Les gosses de la vallée sont blindés.


Barrière à neige

Le début du Sahara, quelque part au sud d’Erfoud - 16 septembre

Au delà du bitume, le concept de route devient flou.
Premier nuit dans le désert: orage!
Observation: une tempête de sable, c’est juste un orage sans eau. Qui peut venir ensuite.

Attacher la bâche à la moto semble a priori une bonne idée

Au réveil, après l'orage. Elle est pas belle, la vie?

Un thé au XGK, au Sahara

Lac Yasmina - 17 septembre

Premier contact avec le Sable. Et premier tanquage après… 20 mètres. OK, on va éviter le sable en moto. C’est pas pour les mickeys.
Contournement des dunes par le nord et camping dans les dunes.
Orage total.
Quatre heures de déluge avant de pouvoir déplier le sac de couchage à la belle étoile. C’est vraiment ballot, de ne pas avoir pris de tente.
Mais je n’échangerais pas ces heures recroquevillé sous la tarp en cocon, concentré à ne pas me faire arracher par la tempête, contre une nuit dans un hôtel de luxe.
Observation: pour la méditation, c’est bien plus efficace de faire ça dans les éléments déchaînés que bien sagement, au calme, avec une musique douce. On tient un concept?

Au réveil, l’oued a grossi. D’après un guide local, aucune chance de passer. Dommage aussi pour lui: ça lui aurait fait sa journée.

Le Sahara: que d’eau!


Où l'on pense toujours que l'orage ne va pas venir

Une règle simple: ne pas se faire arracher-

Post rincée.

Rester en dehors du sable-sable

Le Moulin, Goulmima - 18-19 septembre

Une première soirée avec le patron, sage et mémoire du ksar. Des rituels vs traditions vs culture. Des antagonismes nomades/sédentaires. De l’essor de la religion comme outil politique. De l’essence du bonheur. Du piège du luxe et de la syllogomanie. Bref, Harari chez les Berbères. Avec une tendance communiste et athée.
Je reste une journée à manger les fruits du jardin et bouquiner.
Le soir, c’est Achoura, carnaval dérivé d’une ancienne fête juive. Et ce jeune Berbère qui porte une croix et harangue : "pourquoi suis-je obligé d’être musulman?" Comme un écho au tag "I don’t believe" aperçu dans un village de montagne.

“Ne prends pas de décision si tu es heureux, triste, en colère ou en proie à une sensation trop forte.”

Un antique moulin à eau. admirablement restauré

Todra - 20 septembre

Ok. C’est logique que le coin soit un haut lieu touristique.
Je loge chez Aziz, à la Kasbah Taborihte. Un ami de Moha qui me reçoit comme la famille. Un lieu somptueux.
Plongée au milieu d’un voyage organisé dans la salle à manger.
J’arrête de snober. Je regarde, j’écoute, je profite. Passionnant - la déconnexion, c’est pas gagné…
Entre le tour d’Europe en deux semaines en car coréen et Chapman, voire Kerouac, nous sommes tous quelque part sous la même gaussienne.

La Kasbah Taborihte


Todra - 21 septembre

Aller (3h) - retour (5h) à Imilchil. 120 bornes spectaculaires à travers les montagnes. Aller tranquille et retour sous l’orage.
Des crues. Des coups gagnants. De grosses hésitations, aussi. Attente de la décrue sous la bâche, avec deux vieux. Finalement, ça passe.
J’embarque Rachid en stop pour une plongée dans la nuit incertaine. Au moins, on est deux si ça dégénère. Rachid adore causer, mais je ne comprends pas un mot et c’est réciproque. Au moins, on se marre.
Conclusion (au chaud, chez Aziz) : le retour fut encore plus grandiose que l’aller.
Petit débordement

En regardant passer les flots

Avec Rachid

Demnate - 22 septembre

L’Ouest m’appelle. Ça pourrait être Ouarzazate - Marrakech direct, mais bof…
Une dernière petite dose, juste pour le plaisir?
À 20 bornes de Ouarzazate, j’oblique vers le nord. Une « route » traverse l’Atlas en 150 kilomètres vers Demnate. Allez ! ce ne sont que quelques gentils cumulus qui bourgeonnent sur les crêtes, rien d’inquiétant à ce stade.
Route incroyable, sans fin, qui serpente et bascule d’une vallée magique vers une autre. Fermes perdues et villages accrochés en des endroits improbables.
Je joue de chance avec les conditions. Un tout petit orage traverse à peine mon hoodie et sèche bien vite. Un bulldozer vient de passer pour rouvrir les coulées de boue. Ce n’est pas une piste, c’est un billard.
La plaine s’ouvre. Première nuit à la belle étoile au sec. Trop facile.







La Lusiade, El Jadida - 23-26 septembre

Back home! Chez mon oncle. Quel plaisir de le retrouver, avec toute sa tribu. Et ma chambre grand luxe.
La maison est en chantier, stigmates d’un incendie ravageur au printemps. Pose ton casque et empoigne marteau et pinceau.

Asilah - 27 septembre

Aux portes de Tanger.
Petite déambulation côtière.
Casablanca, Tanger, qui furent de titres de films, des appels au rêve avant de devenir des destinations EasyJet. Se perdre avec délectation dans les embouteillages, sentir le rythme de la ville.
Et je rencontré Alex, motard espagnol, solitaire et très en verve.
Qui me prête son Africa Twin pour aller faire un tour. Je suis conquis.

Tanger-Barcelone - 28-29 septembre

Le rythme lent du bateau. Un lent trait d’union entre l’Afrique et l’Europe.


Du temps, de la nourriture pour le corps et l'esprit. Quoi de plus?

Petite bibliothèque de vacances

Méharées - Théodore Monod

Les tribulations dans le Sahara d’un archéologue-géologue dans les années 1930. Joindre l’utile à l’agréable. Plein d’humour et de scepticisme quant à la supériorité de la culture colonisatrice.

Homo Sapiens - Harari

Résonnera étonnamment avec quelques discussions sur la route

The jungle is neutral - Chapman

L’engagement total. Lis 10 pages et n’importe quelle tempête te semblera une promenade de santé.

L’éloge du carburateur - Crawford

Sur la quête de sens dans le travail. Je sais à qui je vais en parler.

Smart simplicity - Morieux

De l’art d’étirer quelques bonnes idées sur 200 pages.

On the road - Jack Kerouac

Un classique. Totalement déjanté. Au delà de l’aventure de Dean et Sal, un portait des USA, fin des années 1940, mais si contemporain : l’obsolescence programmée, les flics soignent leurs stats, la course à la consommation, l’extrême précarité d’une partie de la population, le jeûne pour la santé, le manque de bistrots sur Russian Hill. Et même une variante de blablacar, les « travel bureau. »

Bon. Avec 3 dollars d’essence, on faisait Bakersfield - San Francisco…

L’usage du Monde - Nicolas Bouvier

Deux romantiques, pinceaux et machine à écrire dans leur guimbarde. Deux années entre la Suisse et l’Inde.

Seven pillars of wisdom - T.E. Lawrence

L’Aventure et l’immersion.
Mon voyage ne fut pas assez long pour le finir...

Lessons learned

Pas grand chose à changer.
  • Un short de mountain bike pour le confort des fesses 
  • Élargir les bottes pour celui des pieds 
  • Une tente, si on veut viser le luxe 
  • De vrais gros sacs étanches (pas le baise en ville North Face) 
  • Jamais sorti le réchaud, sauf pour un petit thé. Tajine sur la route et pain+fruits pour le soir et matin